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Un petit matin frisquet se lève sur le refuge de la Laguna del Negro Francisco, Parc National Nevado Tres Cruces, Chili – veille de Noël ;

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mauvais pied, mauvais œil, nous décidons de conjurer le mal de l'altitude qui nous accable, en fuyant les Andes pour gagner le Pacifique.

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Nous reprenons donc la vallée du Río Astaburuaga, avec ses collines rose-bonbon qui nous portent sur l'estomac,...

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...ses montagnes abondamment badigeonnées de sucre-glace, qui nous retournent le foie,...

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...et la mine de cuivre Mina Marte {“Mine de la planète Mars” !}, la première d'une longue série au royaume {fantoche} du minerai rouge.

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Peu après le passage de la douane chilienne, voici déjà deux chapelles funéraires en bord de piste : un accident de la route en plein désert, fallait le faire.

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Séance photo au bord du Salar de Pedernales, que surplombe le volcan Doña Inés du haut de ses symétriques 5070 mètres ;

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de la glorieuse époque où l'Angleterre pillait sans vergogne les ressources chiliennes, il ne reste que les ruines en adobe de la Compañía Boratera Inglesa ;

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si cette partie du salar est largement épuisée, en d'autres endroits les mines de borax poursuivent leur activité.

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Mais voici qu'à quelques kilomètres de là, au débouché d'un vallon encaissé, la Puna s'effondre brusquement de plusieurs centaines de mètres de dénivelé !

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Cette dépression spectaculaire se nomme Quebrada Asientos, et tranche dans le cœur de la précordillère de Domeyko ;

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en face, le flanc opposé de la gorge étage ses strates sédimentaires comme les chapitres d'un livre de géologie.

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C'est avec une certaine fébrilité que nous amorçons la descente dans ce gouffre vertigineux,...

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...sur une piste taillée dans la roche {par ailleurs sujette à de nombreux éboulements},...

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...et dont les lacets stimulent dangereusement notre nausée tenace !

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Arrêt d'urgence en plein virage pour déposer une gerbe – non, il s'agit des premières fleurettes que nous rencontrons depuis deux jours.

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1300 mètres plus bas, nous touchons le fond, ce qui est tout relatif car ce plancher des vaches cote encore tout de même 2300 mètres.

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Ici, la tectonique offre des perspectives renversantes ; mais à force de conduire le nez en l'air, on en oublierait de surveiller la jauge d'essence ; et bientôt...

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...pour éviter de peu la panne sèche, nous faisons halte, sortons nos petits protégés du coffre, et abreuvons notre fidèle destrier.

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Quand le réservoir est bien rassasié, et mes godasses bien arrosées, on repart soulagé.

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Alors que nous longeons une voie ferrée que nous croyions désaffectée, une sombre silhouette empanachée de blanc se profile à une vitesse modérée ;

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rencontre inespérée, il s'agit d'un convoi industriel en provenance du port chilien de Chañaral, à destination de la fonderie de Potrerillos.

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Ni une ni deux, nous pilons sauvagement et nous nous précipitons appareil photo en main pour immortaliser la scène ;

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c'est que la voie ferrée est tout bonnement spectaculaire, qui s'élève à flanc de gorge et louvoie entre les contreforts coniques ;

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la motrice carbure bruyamment pour hisser péniblement sa ribambelle de wagons-citernes,...

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...jusqu'à des hauteurs proprement épatantes ! Si si, regardez bien, au-dessus de la corniche rocheuse...

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cette chenille perdue dans les sables, c'est notre train qui achève sa grimpette de plusieurs centaines de mètres.

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Quelques kilomètres plus loin, le relief révèle de nouvelles facéties : c'est à présent un inextricable emboîtement de cônes moirés ;

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ici et là, à la faveur d'un glacis, quelques misérables bicoques donnent un peu de vie à cette vallée.

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Bientôt, un raidillon particulièrement pentu nous extrait en deux lacets acérés de cet encaissement étouffant, révélant des couleurs insoupçonnées ;

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tel une oasis dans cet environnement semi-désertique, un cours d'eau rachitique sinue laborieusement en Technicolor ;

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en guise d'étagement supérieur, nuls pâturages alpestres mais un désert de sable strié par l'érosion ;

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et de ce cadre saharien émerge, à 2800 mètres d'altitude, le complexe minier de Potrerillos, terminus de notre train de tout-à-l'heure ;

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jadis florissante mine de cuivre nord-américaine, il ne reste aujourd'hui en activité que cette fonderie, car le village adjacent...

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...et les installations minières, avec leurs colossales rampes d'accès, ont été évacués en 2000, en raison d'une pollution écologique majeure.

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Nous poursuivons notre course vers le Pacifique, levant prudemment le pied à chaque exhortation ;

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d'autres, moins dociles que nous, reposent en bord de route, et leur dernière demeure s'effrite dans le vent.

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Un rapide passage à El Salvador, autre cité minière, bien vivante celle-ci, encore que végétant dans un coma intemporel.

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Une bifurcation peu avant le sordide village de “Diego de Almagro”, et nous traçons à présent en ligne droite vers Altamira ;

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la Quebrada de J.J. Perez vient brièvement trancher la monotonie du paysage, sans que son franchissement retarde véritablement notre progression ;

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et puis rebelote : à peine un soupçon de sinuosité dans le grand vide sidérant du Désert d'Atacama.

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Pour tromper l'ennui, nous échafaudons les hypothèses les plus abracadabrantes sur l'origine des innombrables bornes blanches¹ qui semblent cadastrer le désert ;

¹ Il s'agit en fait d'une signalétique minière, pour repérer des puits, ou des gisements, ou des galeries, enfin je sais plus trop, on n'a pas bien pigé ce que nous a expliqué la personne interrogée par nos soins lorsque nous sommes passés en coup de vent à Altamira.

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non moins énigmatique, une curieuse excroissance faussement volcanique mobilise pareillement notre imagination ;

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sa face nord révèle les ruines d'une exploitation minière : cuivre ? nitrate ? salpêtre ? lithium ? Allez savoir...

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A notre grand soulagement, nous rejoignons bientôt la Ruta 5, la mythique Panaméricaine qui relie l'Alaska à la Terre de Feu.

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Nous la quittons aussitôt pour nous faufiler au travers de la Cordillère Côtière ; l'altimètre indique 1430 mètres : encore quelques marches et...

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...voici enfin Taltal et le Pacifique, au terme d'une traversée Est-Ouest intégrale du Chili. Voilà qui nous a ouvert l'appétit pour le réveillon, même s'il faudra se contenter de poisson !