1
D'étranges chimères nous escortent alors que nous quittons Antofagasta par la Panaméricaine – le nez en l'air,...

2
...nous en oublierions de prendre garde aux longs trains qui de temps à autres coupent notre route sans trop crier gare !

3
Bientôt, nous quittons la Panaméricaine, et nous nous enfonçons vers le Désert d'Atacama, louvoyant entre les mines de cuivre.

4
Au terme d'un bref défilé, encombré de poids-lourds peu scrupuleux du code de la route, le paysage s'ouvre grand sur un horizon délavé ;

5
c'est le Salar d'Atacama, vers lequel nous dévalons tout schuss ; avec moins de 10 mm de précipitations par an, c'est l'un des endroits les plus arides de la planète.

6
Pourtant sa surface blanchâtre, gorgée de chlorures, sulfates, nitrates, borates, etc., est le vestige d'une mer intérieur, qui s'est évaporée il y a plusieurs centaines de millénaires.

7
De loin en loin sont édifiés d'étranges mastabas immaculés : il s'agit de mines de lithium, métal qui n'existe dans la nature qu'à l'état d'impuretés dans des sels.

8
Pompeusement baptisé “Balcon du salar”, Peine n'est pas loin de nous en faire {...}. Pas un chat dans les ruelles {normal : Medor veille} ;

9
ici la majorité des paroissiens travaille aux différentes mines du Salar, quand ça n'est pas jusqu'à celle de Chuquicamata¹, à 200 km d'ici !

¹ Chuquicamata est une gigantesque mine de cuivre à ciel ouvert, proche de Calama ; nous l'avions déjà évoquée à propos d'Antofagasta, qui en est le terminus ferroviaire et le débouché maritime.

10
Nous transitons ensuite par Socaire, village similaire à Peine, encore que soigneusement défiguré par une forêt de lampadaires disproportionnés ;

11
étagé sur le piémont de la cordillère, le terrain est une petite oasis d'agriculture en terrasse, au cœur de l'aridité ambiante.

12
Davantage de vie à San Pedro de Atacama, à présent, point de chute des nombreux touristes qui ratissent cette région riche en attractions géologiques.

13
Les constructions sont, pour la plupart, en adobe, cette brique de terre crue, mêlée de paille, séchée au soleil.

14
La rue “Gustavo le Paige” rend hommage au prêtre belge qui, à partir de 1955, se consacra à la reconnaissance de la culture des indiens Atacamas.

15
Le portique de la municipalité s'est paré comme il se doit de branchages de sapin {si exotique} et de guirlandes {si esthétique} ;

16
en face, une petite église typique des hauts-plateaux andins, blanchie et trapue. Mais nous délaissons rapidement San Pedro pour...

17
...la plage ! Voici le “Valle de la Luna” {“Vallée de la Lune”} : sable fin, ciel limpide, soleil couchant, il ne manque guère qu'un élément pour parfaire le tableau –

18
la mer ! Mais ici aussi, au nord du Désert d'Atacama, l'eau s'est fait la malle depuis belle lurette, résultat d'une longue évaporation ;

19
il n'en reste pour toutes traces, outre le salar voisin, que des reliefs érodés par les rebuffades de cette mer prise au piège.

20
L'ascension de la principale dune du site n'est pas une partie de plaisir : progresser dans le sable est éprouvant. « Et si tu sortais les mains de tes poches, aussi ? »

21
Une fois parvenus au faîte de ce barrage de sable, nous pouvons longer cette corniche affûtée, comme des funambules...

22
...marchant sur la Lune ; car le Valle de la Luna porte bien son nom, surtout lorsqu'à la nuit tombante le relief vire de rouge à gris.

23
Si les similitudes morphologiques avec la Lune peuvent prêter à la controverse, il est en revanche une analogie édifiante : faute d'humidité, la vie y est inexistante¹.

¹ On n'y rencontre guère que de très sporadiques exemplaires de “Liolaemus”, petit lézard sud-américain particulièrement coriace.

24
Tandis que les sillons ravaudés disparaissent dans la pénombre crépusculaire, à l'horizon s'enflamment les silhouettes jumelles du Licancabur et du Juriques ;

25
une gémellité estropiée, cependant, dont une légende atacameña explique en termes mythologiques l'histoire tellurique explosive –

26
dame volcan Juriques {à droite} fut décapitée par son lointain mari, le Lascar {plus loin sur la cordillère}, pour s'être laissée séduire par son voisin le Licancabur {à gauche}.

27
Quant à nous, nous venons de quitter San Pedro après y avoir passé la nuit, et nous roulons déjà vers la frontière argentine.

28
Mais voici qu'au cœur de ce no-man's-land nous découvrons un étrange campement militaire...

29
« En avant, marche ! Gauche – Gauche – Gauche » serine un sous-lieutenant à la mine chafouine, caracolant en tête des troupes, héroïquement décoré ;

30
les jeunes recrues bombent le torse et suivent fièrement la cadence, réglant leur pas sur celui de leurs aînés.

31
{Certaines esprits retors, en revanche, semblent en avoir par-dessus la tête}

32
Tantôt, on peaufine les techniques de camouflage les plus sophistiquées pour se fondre dans un décor de sel et de bruyères ;

33
tantôt, on s'exerce au maniement des armes sous l'œil d'un vieux colonel bigleux : « plus souple du cou, soldat, pour réussir votre crachat ! ».

34
A mesure que nous montons en altitude, pour repasser la barre des 4000 mètres, nous retrouvons les paysages dilatés et chamarrés de la Puna ;

35
et voici enfin le Paso de Jama, à 4200 mètres d'altitude : nous quittons le Chili – mais l'aventure ne fait que continuer côté argentin !