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Vision fantomatique du massif des Altas Cumbres, dont les deux “Gigantes¹” seuls émergent du halo nébuleux. Nous contournons ce paysage de Highlands, et débouchons...

¹ Gigantes = géants, auxquels on compare ici les deux points culminants des Altas Cumbres.

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...dans l'exotique Pampa de Pocho, un vaste plateau de pâturages piquetés de carandays, dont émerge solitaire le profil de camélidé du Cerro Ciénaga.

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La bourgade de Las Palmas s'enorgueillit d'une chapelle rustique, dont l'aura miraculeuse justifie à elle seule l'affluence des touristes – du pain béni pour artisans et camelots.

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En parlant de pain, l'ascension du clocheton n'est pas une raison pour laisser filer le boulanger, dont le bagage fleure si bon le pan casero !

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Tandis que Nico dévale l'escalier aussi vite qu'il est monté, je prends sa place pour un petit cliché qui n'est pas sans évoquer quelques toile de Magritte...

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Ensuite de quoi nous nous empiffrons sans vergogne, miche de pain aux lardons, fromage de chèvre frais : le campo argentin dans toute sa saveur !

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Quittant maintenant la route principale, nous nous engageons sur un sentier qui coupe à travers champs, interrompu à intervalles réguliers par une tranquera de fortune.

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Bientôt, nous abandonnons {à regret} notre auto pour une petite randonnée {salutaire} ; objectif : le replet Cerro Agua de La Cumbre.

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Un rien fanfarons, présumant d'une difficulté mineure, nous entamons l'ascension sur les chapeaux de roue, avec une bonne humeur sereine ;

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mais soit que le pique-nique nous plombe, soit que la pente soit décidément bien raide, nous courbons l'échine en piétinant dans les coirones hirsutes.

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En deux mots, ça grimpe. On prend le temps toutefois d'admirer à l'horizon les volcans effilés de la Sierra de Pocho, qui cisaillent la ligne de crête.

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Lorsqu'enfin nous atteignons le sommet, c'est pour découvrir stupéfaits le panorama qu'offre l'autre versant : une déclivité brutale, suivie d'une plaine infinie : l'impénétrable monte riojano¹.

¹ Riojano = relatif à la province de La Rioja

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La redescente s'effectue sans encombre {nous n'avons heureusement aucune photo de cet épisode fâcheux où je me suis affalé sur un cactus particulièrement épineux}.

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{pas moins de dix épines dans le poignet, ça pissait le sang, un tendon atteint, paralysie, gangrène, etc. – non je n'exagère pas, non je ne gâche pas cette photo avec mes petits problèmes personnels !}

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A présent, c'est l'heure du traditionnel safari, avec ses images bucoliques, ses clichés débordants de fraîcheur et de candeur,...

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...son lot de petits zozios qui sifflent gaîment, tel ce joyeux carpintero qui pépie joliment une dive mélodie flûtée,...

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...ses petits moments pleins de poésie, pétillants de vivacité et de bonne humeur. – « Dis : ça sent pas bizarre, là, d'un coup ? »

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Sous l'œil scrutateur de cet oiseau de malheur, nous quittons les lieux l'estomac retourné, prêts à rendre frometon et quignon, qui décidément pèsent durablement sur le diaphragme...

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Mais Nico reste à l'affût, et, au détour d'une clôture, il tire le portrait d'un Petit Tonnerre plus vrai que nature !

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Encore plus dur : ce phasme, bêbête furtive championne du camouflage, pris en flagrant délit parmi les herbes folles ! Jolie prouesse, monsieur le photographe !

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Nous reprenons maintenant la voiture, et amorçons la descente vers la plaine de La Rioja – 700 mètres de dénivelé, qui s'annoncent corsés.

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La route qui permet de franchir cette marche de géant se déroule en un sinueux encorbellement, étayé de remblais de pierres que l'on espère solides ;

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de loin en loin, lorsqu'il s'est révélé impossible de contourner la falaise, ou de la rogner, on a percé une série de tunnels rudimentaires ;

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ce sont eux qui donnent son nom de “Route des Tunnels” à cette piste qui, en 1930, était alors une prouesse, permettant de relier en ligne {presque} droite les villes de Córdoba et San Juan.

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Depuis, concurrencée par le Camino de las Altas Cumbres, la glorieuse Nationale a été déclassée en route provinciale,...

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...et le trafic des poids-lourds a cédé la place à celui plus tranquille des touristes, qui encombrent massivement les différents miradors jalonnant le parcours.

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Quant à nous, une fois en bas, nous nous présentons à l'entrée de la Réserve Naturelle Chancaní, que nous ambitionnons d'explorer – c'est un peu pour ça qu'on a fait tout ce trajet !

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Mais le portail est fermé, un panonceau indique que le garde-parc s'est absenté, et nous avons beau klaxonner une demi-heure durant rien n'y fait : nous sommes gros-jean comme devant.

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Notez bien, sur la photo précédente, les nuées de confettis blancs qui volettent en tous sens ; zoomons, et observez : ce sont des centaines de papillons immaculés !

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Criant vengeance contre le foutu garde-parc, nous rebroussons chemin, nous nous refarcissons ces foutus tunnels, et retrouvons la Pampa de Pocho et ses foutus palmiers – foutue journée !

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Escale à Pocho, village solitaire de la pampa éponyme ; construite en 1766 dans le style colonial, cette bonbonnière d'adobe crépie de rose tient lieu d'église.

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Un guide, qui végétait au bar voisin, nous ouvre les portes avec empressement, et assure une visite exhaustive des lieux, sacristie et clocher compris ;

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à son invitation, nous nous attardons quelques instants à étudier ce retable naïf, trahissant la pauvreté de cette portion paumée de pampa.

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La pauvreté n'exclut pas l'ingéniosité : cet extraordinaire plafond est constitué de toiles de sacs de blé peintes et cousues sur un canevas de bois.

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Et voici qui nous laisse pantois : cet harmonium en ruines a été fabriqué à quelques pâtés de maisons de mon ancien domicile parisien – c'est écrit dessus¹ !

¹ Pour ceux qui n'auraient pas de bons yeux : « Christophe & Etienne {c'est un comble !}, Harmoniums, 97 rue de Charonne, PARIS »

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Remontant plein Nord, nous parvenons aux confins de la Pampa de Pocho, circonscrite par le relief bosselé des Cumbres de Gaspar ;

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s'y niche la chapelle de La Concepción, de ces églises isolées comme il y en a tant au cœur de la Sierra, oubliées de tous sauf de quelques lointains paroissiens qui l'entretiennent sporadiquement ;

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sa façade délavée ne tranche guère sur le ciel taciturne, et le monument disgracieux qui lui fait face ne pimente guère l'ambiance funèbre de la composition ;

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il s'agit pourtant d'un buste du vénérable Curé Brochero, qui, à l'aube du XX^ème siècle, œuvrait au désenclavement de cette vallée : ce sacerdoce audacieux lui valut la réputation de saint.

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Quelques hectares de pâturages désolés plus à l'Est, dans ces marges oubliées de la Vallée de Traslasierra où quelques enclos à chèvres ponctuent l'immensité,...

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...nous atteignons La Candelaria, la moins accessible des cinq estancias jésuites que compte la province de Córdoba.

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Hormis ces étranges contreforts ajourés {une parade contre l'humidité}, ce nouvel établissement agricole de la Compagnie ne dépare pas de ses semblables : une église blanche...

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...jouxte un cloître autour duquel se tenaient les communs et les ateliers ; ceux de la Candelaria étaient en ruine et ont été partiellement restaurés ; en témoigne cette galerie un rien rutilante.

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Nulle activité missionnaire dans ces régions désertées ; on y pratiquait déjà l'élevage intensif des mules et chevaux, pour le compte de la lointaine Potosí, épicentre économique du Vice-Royaume.

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Ces baraquements en ruine abritaient les esclaves, tous d'origine africaine. Cette population a aujourd'hui entièrement disparu d'Argentine, sans que les historiens sachent bien comment.

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Et c'est reparti pour quelques heures de louvoiement poussiéreux dans la vallée – ou est-ce encore la sierra ? – ou déjà la Pampa de Oláen ? On s'y perdrait...

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Une dernière pour la route ? La chapelle de Characato, austère et esseulée, rougeoie timidement alors que la journée tire à sa fin –

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et bientôt, un soleil en or massif percute l'horizon déjà bien cabossé de la Sierra de Pocho, et explose en une apocalyptique supernova. Album terminé pour cause de fin du monde.