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Le château de son père, la gloire des amers

la capitale paraguayenne s'encombre de tout un bric-à-brac de palais et tombeaux qui ressassent une gloire fanée aux relents revanchards – pas de quoi cependant troubler la bonhomie pagnolesque des Asunceños. Sans doute la nef de Yaguarón est-elle plus à craindre, que mange une jungle vorace.

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« Le cœur un peu gros, nous avons pris congé de Hans, et nous filons derechef sur la rectiligne Transchaco, après avoir récupéré notre auto – ça ira plus vite qu'en charrette pour enlever les 450 km d'ici à Asunción ! »

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Nombre de photos : 60

Date : 29/08/2008

Localisation : ChacoParaguay ParaneñaParaguay

Ce carnet fait partie du périple : Contes et déconvenues du Chaco (et d'ailleurs)

Quelques précisions

Quelques éclaircissements historiques s'imposent pour comprendre cet album... A commencer par la bataille de Paraguarí (13 janvier 1811) au cours de laquelle les troupes paraguayennes infligèrent une cinglante défaite aux troupes portègnes, venues semer le vent de la sécession anti-espagnole au Paraguay. Buenos Aires venait en effet tout juste d'effectuer sa Révolution de Mai 1810 et d'instituer une Junte autonome ; elle se proposait non sans naïveté d'exporter ce vent de liberté aux provinces voisines. Mais le gouverneur espagnol d'Asunción les reçut vertement, et écrasa l'armée du Général Belgrano à la bataille du Cerro Mbaé (dans les environs de Paraguarí).
Le Paraguay, cependant, devait à son tour effectuer sa propre Révolution de Mai, l’année suivante (1811), révolution dont le fameux Doctor Francia (voir ci-après) fut un des principaux protagonistes. Buenos Aires envoya derechef Belgrano, en mission diplomatique cette fois-ci, pour tenter d'intégrer le Paraguay dans son giron. Le pauvre général fut non moins vertement reçu, et le Paraguay signifia définitivement sa volonté de demeurer indépendant aussi bien de l'Espagne que de Buenos Aires. Le fait que Paraguarí se prévale d'être « le berceau de l'indépendance nationale » montre à quel point le Paraguay n'a jamais cessé de se défier de Buenos Aires : car cette victoire, notez-le bien, fut celle du gouverneur espagnol sur une armée d’authentiques criollos – aux yeux des Paraguayens, l'indépendance vis-à-vis de l'impudente Buenos Aires valait toujours mieux que l'indépendance vis-à-vis de la moribonde Espagne.
Ainsi naquit le Paraguay, aussitôt pris en main par la lignée des Francia-López, trois despotes tantôt adulés tantôt controversés, qui ont fondé et gouverné le Paraguay de 1813 à 1870.
Le premier d'entre eux est Gaspar Rodríguez de Francia (1766-1840), alias “Doctor Francia” en vertu de ses diplômes de théologien et philosophe, alias “Karaí Guazú” (Grand Seigneur) auprès de la population guaranie. Il apparaît tour à tour comme le Père de la Patrie et l'archétype du tyran sanguinaire, lui qui régna sur le Paraguay d'une main de fer, après avoir acquis son indépendance vis-à-vis de l'Espagne et de l'Argentine. Son esprit impitoyable et incorruptible tendu vers la concrétisation d'un Paraguay libre et prospère, son aveuglement révolutionnaire et sa conception totalitariste de la patrie, lui ont valu une juste comparaison avec Robespierre.
A sa mort, quelques troubles éclatèrent, car il s'était fait de nombreux ennemis parmi la haute-société paraguayenne qu'il avait voulu juguler. On craignit pour la sécurité de sa dépouille ; ses fidèles résolurent donc de soustraire le corps à une éventuelle furie populaire, et l'escamotèrent. On ne sait pas avec certitude ce qu'il est advenu des restes du Suprême – je vous passe les polémiques.
Le grand écrivain paraguayen Augusto Roa Bastos a réalisé une biographie hallucinée de Francia, Moi, le Suprême, sorte de journal intime de la folie du dictateur schizophrène, chef-d'œuvre admiré de la littérature latino-américaine, Prix Cervantès en 1992.
Son neveu Carlos Antonio López (1790-1862) lui succèda en 1840. Président de la République à répétition de 1844 jusqu’à sa mort, ce “despote éclairé” développa le Paraguay sur le mode du self-made-country, protectionniste et autarcique, qui force l'admiration – et excita la jalousie de ses voisins et l'avidité des Anglais, ce dont devait pâtir son fils et successeur le Maréchal López (1827-1870), troisième et dernier rejeton de la dynastie. Son histoire est abordée dans notre topo sur la Guerre de la Triple Alliance.

Les photos que nous avons ratées

De retour de Paraguarí, nous avons fait un détour en empruntant la nationale 2 pour passer par les villages de San Bernardino et Altos, agréables villégiatures prisées des Asuncenos, sur les rives du beau Lac Ypacaraí. Malheureusement, nous étions trop en retard sur notre horaire pour en profiter (et photographier).

Itinéraire bis

Asunción est une bonne tête-de-pont pour explorer le sud-est du Paraguay, avec un peu de temps en surplus. Une région densément peuplée, riche de belles traditions et de splendides parcs naturels. En poussant jusqu'aux environs d'Encarnación, vous découvrirez les ruines des missions jésuites du Paraguay – nous en avions visité deux en mai 2008 : Trinidad et Jesús de Tavarangüé.

Comment y aller ?

Nous voici au terminus de notre longue traversée du Chaco : le kilomètre zéro de la Transchaco. On arrive enfin à Asunción en franchissant le Río Paraguay.
La visite d'Asunción peut aisément s'effectuer à pied, la plupart des monuments se trouvant en centre-ville, aux abords de la Place de la Démocratie. En revanche, pour vous rendre à l'église de la Trinidad, dans les faubourgs, vous devrez emprunter un taxi.
Notre petite excursion dans les environs d'Asunción débute par Yaguarón, à 48km au sud-est de la capitale, sur la nationale 1, direction Encarnación. Puis, Paraguarí se trouve au kilomètre 63.

Où dormir ?

Un bon hôtel à Asunción, au raffinement légèrement fané : le Asunción Palace Hotel (adresse : Colón 415, esquina Estrella ; tel: 2-149-2151). Un confort abordable.

Où et que manger ?

Parmi les spécialités paraguayennes, n'oubliez pas de goûter la sopa paraguaya, LE plat traditionnel. Et grignotez quelques chipas, en vente dans toutes les rues ou presque, en bord de route, aux péages, etc. Et puis tâchez de boire quelques lampées de tereré, la version froide du maté.

Ce que nous avons visité

Temples

Yaguarón : antérieure aux majestueux complexes jésuitiques, l'empreinte architecturale des Franciscains dans ces mêmes confins guaranis pourrait sembler, de l'extérieur, à peine moins rustique qu'une grosse grange – et cependant, quel enchantement n'est-il pas réservé au visiteur qui s'aventure sous la canopée en fleurs qui lui tient lieu de voute...

Musées

Panthéon National des Héros : réplique subtropicale (et miniature) des Invalides parisiennes, ce temple des gloires paraguayennes abrite les sarcophages de quelques va-t-en-guerre de la peu fortunée histoire nationale, qui veillent sournoisement sur le dernier sommeil du Soldat Inconnu, voir si des fois il ne voudrait pas repartir pour un tour...

Parcours

Transchaco : beaucoup moins fréquenté que ses confrères, ce “couloir bi-océanique” boréal, encore largement mal carrossable, vise à connecter le Paraguay à la Bolivie, et franchit pour cela un obstacle de taille, non en altitude mais en superficie : le vaste few-men's land du Chaco Seco. Une éprouvante traversée du désert.

Villes

Asunción : la « Mère des Cités et Berceau de la Liberté en Amérique » s'est un peu assoupie sur ses lauriers, et accuse un net retard sur sa progéniture du bassin du Río de la Plata. Un charme désuet règne dans ses rues fleuries, et l'on badaude avec plaisir entre ses édifices un rien clinquants, à la poursuite d'un vendeur de chipa.

Géographie et thématiques culturelles

H2O

Río Paraguay : cet affluent majeur du Paraná baptise un État paranoïaque qui n'en put jamais contrôler ni la source ni le débouché maritime, et subit son cours tel un rideau de fer scindant le pays en deux régions que tout – écosystèmes, cultures, développement – oppose dédaigneusement. Un fleuve qui, partant, gagne à être franchi plutôt qu'emprunté.

Botanique

Palmas Caranda-i et Caranday : leur jupette froufroutant dans le vent, les pompom-girls du chaco agitent en cadence les palmes épinglées sur leurs moignons, et fléchissent leur corps de sylphide avec une langueur étudiée, en formation synchronisée. Sont-ce les rudes quebrachos les heureux dédicataires de ces groupies hystériques ?

Gastronomie

Chipa : si cette miche de pain, à base de farine de manioc ou de maïs, fourrée au fromage et/ou aux lardons, s'achète aisément à proximité de Retiro ou Once, ou aux sorties des bouches de métro, à Buenos Aires, c'est que l'immigration paraguayenne y est florissante... et peu lucrative. Mais la chipa est (évidemment) meilleure à Asunción !

Héritages

Mate : si le bon maniement de l'asador valide généralement le passage à l'âge adulte, alors l'acte de cebar un buen mate est indéniablement l'épreuve initiatique pour atteindre l'âge de raison, tant cette aliénante décoction symbolise une certaine sagesse argentine, indolente, fraternelle et sereine (sinon optimiste). A méditer con o sin palo.

El Libertador San Martín : quand les autorités sont en panne d'imagination, il est le meilleur recours pour baptiser ponts, rues ou colonies – la toponymie locale est assurément le meilleur Tombeau de sa gloire, qui du reste doit beaucoup à son rapide exil : en somme, on lui sait gré d'avoir été traîner ses éperons ailleurs... Hommage au renegado magnifique.

Dévotions

Santa María Eugenia : jeune recrue du martyrologe, cette redoutable assomptionniste s'impose peu à peu comme la patronne des futures mamans, qui dépoussièrent son austère figure de duègne décineuviémiste en lui consacrant des autels débordant de joujoux cocasses et autres poupées chamarrées. Gardez le ticket de caisse, au cas où.

San Roque (González) : le risque de confusion est bien réel entre ce martyr jésuite, premier saint criollo, très populaire dans le Río de la Plata au point de baptiser bon nombre de ponts, barrages et autres églises, et son homonyme médiéval, Saint Roch, protecteur des chiens. Une distinction dont ne s'encombrent pas toujours ses fidèles...

Les fiches thématiques sans ancrage local particulier ne sont pas épinglées sur la carte.

LÉGENDE
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