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Quelques précisions
La Vierge de Luján est la sainte patronne de l'Argentine, mais également du
Paraguay et de l'
Uruguay, anciennes dépendances du Vice-Royaume du Río de la Plata. L'apparition de ce culte remonte au XVII
ème siècle, ce qui est assez tardif par rapport à l'échelle chronologique de la colonie (fondée au milieu du siècle précédent) ; son origine est d'ailleurs le fruit d'une combinaison historique fortuite, et offre un caractère opportuniste certain.
Nous sommes en 1630 et depuis cinquante ans la couronne du Portugal est liée à celle de Castille, ainsi que leurs colonies respectives : Philippe IV d'Espagne règne sur un empire immense, qui fusionne notamment le Brésil lusitanien au Río de la Plata hispanique – on peut désormais circuler à peu près librement entre ces deux portions d'Amérique méridionale autrefois hermétiques. Aussi retrouvons-nous un certain Antonio Farías Sáa, propriétaire terrien portugais établi en plein cœur du périmètre espagnol, à
Santiago del Estero. Désireux d'ériger sur ses terres une chapelle en l'honneur de la Vierge, il prie un compatriote portugais demeuré au Brésil de lui expédier une statuette mariale ; celui-ci s'exécute et pousse le zèle jusqu'à envoyer deux statuettes afin que son ami puisse faire son choix. Des esprits chagrins pourraient s'étonner de ce que le pieux
hacendado n'ait pas passé commande auprès d'artisans locaux – Santiago del Estero était alors une cité florissante, le principal centre économique et politique de toute la colonie espagnole au sud du Pérou, les sculpteurs capables ne devaient pas manquer ! Faut-il voir dans ce choix l’indécrottable défiance opposant Espagnols et Portugais ? Ou au contraire la réussite d'une fusion inespérée des deux sociétés ?
Toujours est-il que c'est une paire de statuettes brésiliennes qui débarque à Buenos Aires en 1630, en provenance de São Paulo. La future capitale argentine n'est alors qu'une bourgade marginale (fondée cinquante ans plus tôt). Les deux statuettes sont chargées sur une charrette tirée par deux bœufs, et le convoi se met en branle pour la lointaine Santiago del Estero – un périple de plusieurs mois à la merci des attaques des indiens de la
Pampa ou du
Chaco. Mais au matin du troisième jour, dans le hameau de Zelaya, les bœufs ont beau s'efforcer, rien n'y fait : la charrette est ingrouillable ! On décharge donc l'une des deux statuettes,
por las dudas, et voilà que l'engin s'ébranle de nouveau. Il ne peut y avoir de doute, c'est là une authentique manifestation de la Vierge, qui a signifié son désir de rester en ces lieux. Aussi, tandis que l'autre statuette, moins facétieuse, poursuit sans encombre sa route jusqu'à Santiago del Estero, où elle recevra l'épithète de Consolatrice et se verra offrir un sanctuaire approprié, la statuette récalcitrante demeure à Zelaya. Un notable, Don Rosendo, lui édifie un petit ermitage, dont il confie la garde à l'un de ses esclaves noirs : Manuel, qui dévouera toute son âme à l'entretien matériel et spirituel de cette inestimable invitée. Don Rosendo mort, “
el Negro Manuel” poursuit sa tâche sans faillir, mais le fait est que ses moyens sont fort limités.
Sur ce (nous sommes en 1671), une voisine plus fortunée, Doña Ana de Matos, vivant à quelques kilomètres de là, dans les parages du río Luján, s'offre à recueillir plus dignement la statuette, qu'elle acquiert en bonne et due forme (financière) auprès de l'administrateur des biens de feu Don Rosendo. On lui transfère donc la statuette, qu'elle installe dans un bel oratoire. Mais quelle n'est pas sa stupeur lorsque, le lendemain de son installation, la statuette a disparu. Oh, pas besoin d'aller la chercher bien loin : on la retrouve –faut-il s'en étonner ? –chez le Negro Manuel ! On pardonne bien volontiers au pauvre hère, et l'on remporte la statuette chez la Dame. Mais, nuit après nuit, la statuette s'entête à disparaître, et toujours retourne chez le Noir Manuel, quand bien même on tient se dernier à l’œil. Force est de convenir qu'il s'agit ni plus ni moins d'un miracle, enquiquinant certes, mais d'un miracle quand même ! Il faudra rien moins qu'une procession officielle emmenée par l’évêque de Buenos Aires et le gouverneur du Río de la Plata, et cautionnée par la présence du Noir Manuel en personne, pour que la statuette accepte finalement d'installer ses pénates dans l'oratoire de Doña Ana. Ainsi, au gré de ces menues péripéties, l'évènement a acquis une envergure régionale, qui ira grandissante, et le sanctuaire de Luján s’étoffera en conséquence : le petit oratoire familial sera remplacé par plusieurs sanctuaires plus ambitieux mais non moins éphémères.
Finalement, en 1886, portée par une pétition populaire, la statuette obtient la consécration du pape Léon XIII qui la couronne officiellement Vierge de Luján. L'ascension de cette nouvelle icône nationale est fulgurante : en 1901, elle est proclamée Patronne de la Province de Buenos Aires ; puis, en 1930, 300 ans après son “apparition”, sur sollicitation conjointe des épiscopats argentin, paraguayen et uruguayen, le pape Pie XI l'élève au rang de Patronne des trois républiques. 1930 est aussi l'année de consécration de son nouveau et colossal sanctuaire, l'actuelle
Basilique de Notre Dame de Luján.
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