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Quelques précisions
L'histoire moderne de la Terre de Feu est étroitement liée aux navigateurs européens qui cherchèrent le moyen de s'y frayer un passage. Des passages, en réalité ; car au fil des siècles, ces marins téméraires découvrir trois voies permettant de contourner l'Amérique par son extrémité sud. Ces voies sont aujourd'hui connues sous les noms suivants : Détroit de Magellan (Estrecho de Magallanes en espagnol), Canal Beagle et Passage de Drake (Pasaje de Drake).
Les Passeurs de la Terre de Feu
Si le
Détroit de Magellan, le plus septentrional des trois, fut découvert dès 1520 par
Fernand de Magellan, il fallut attendre 1616 pour que le
Cap Horn (cocassement transcrit
Cabo de Hornos, “Cap des Fours”, en espagnol) soit doublé et le
Passage de Drake subséquemment identifié comme la meilleure voie navigable d'un océan à l'autre. Certes, celle-ci n'était pas exempte de dangers, mais les tempêtes, les tourbillons et les vagues scélérates étaient somme toute préférables au
williwaw, ce vent brutal et imprévisible qui prenait par surprise les navires qui empruntaient le détroit de Magellan et avait tôt fait de les précipiter sur les nombreux récifs jalonnant ce couloir étroit. Le Passage de Drake, lui, avait l'avantage de la largeur : 650km entre le Cap Horn et l'Antarctique, sans le moindre véritable obstacle.
Et le Canal Beagle, dans tout ça ? Il ne fut découvert que bien plus tard, à l'époque des grandes explorations scientifiques occidentales des XVIIIème et XIXème siècles. C'est en 1826 que le Hydrographic Office britannique affrète le HMS Beagle, un brig-sloop (brick) au curieux nom de chien, pour mener à bien l'exploration approfondie de la Patagonie et de la Terre de Feu. Lors de son premier voyage, il parvient jusqu'au Détroit de Magellan. Mais, déprimé par les difficiles conditions de navigation, son capitaine se suicide ; il est remplacé au pied levé par un jeune lieutenant de 23 ans, Robert FitzRoy (1805-1865). C'est sur les instructions de celui-ci que le lieutenant Murray s'aventure dans le dédale des canaux de cette région occidentale de la Terre de Feu et finit par découvrir un canal plus large que les autres, presque rectiligne, auquel on donnera désormais le nom de Canal Beagle (on adjoint parfois la particule “de”, mais c'est totalement superfétatoire).
S'en suivent pour le HMS Beagle deux autres voyages, dont le second accueille à son bord un illustre passager :
Charles Darwin, qui dresse de cette expédition un fameux récit intitulé
Journal and Remarks, plus connu sous le titre
The Voyage of the Beagle. Lors de ce voyage, commandé par FitzRoy, le HSM Beagle parcourt le Canal Beagle pour le plus grand émerveillement de Darwin, qui consigne sa première observation d'un glacier (1833). Puis, après un saut aux Malouines, le navire tente de remonter le Río Santa Cruz (Patagonie australe) jusqu'aux Andes, en vain – une avarie l'oblige à rebrousser chemin avant d'atteindre le Lago Argentino (1834) ; ce qui n'empêchera nullement, quelques années plus tard, le fameux
Perito Moreno de baptiser la plus imposante aiguille du massif du
Chaltén du nom de FitzRoy. Ce second voyage du HSM Beagle se poursuit ensuite vers le Pacifique, les Galapagos, Tahiti et l'Australie, avant de rentrer en Angleterre en 1836.
Un troisième voyage (1837-1843), commandé par le capitaine Wickham, aura également pour destination l’Australie, mais cette fois-ci en boudant la Terre de Feu au profit du Cap de Bonne Espérance.
Malgré cette découverte d'un nouveau passage pour franchir la Terre de Feu, jamais le Canal Beagle ne parviendra à concurrencer sérieusement ses deux rivaux. Il s'avère plus dangereux encore que le Détroit de Magellan, du fait de son étroitesse et de ses nombreux îlots et récifs ; à cela s'ajoute également, dans la deuxième moitié du XXème siècle, des inconvénients diplomatiques puis techniques liés aux conflits de souveraineté entre Chili et Argentine.
Les Accapareurs de la Terre de Feu
En effet, au cours de leur conquête hâtive des terres australes, les deux “Républiques Sœurs” avaient failli en venir aux mains plusieurs fois. Le Perito Moreno avait travaillé, côté argentin, à délimiter la frontière en Patagonie ; on avait évité la guerre avec le Chili de justesse (voir l'histoire du
Christ Rédempteur). En revanche, le méli-mélo archipélagique de la Terre de Feu demeurait un vrai casse-tête diplomatique et un
casus belli en puissance...
La guerre faillit éclater derechef en 1978, lorsque l'Argentine (sous la dictature du
Proceso) rompit les discussions avec le Chili (sous la dictature de Pinochet) au sujet de la délimitation du Canal Beagle et prépara une invasion de la rive sud, dans l'optique d'occuper toute la Terre de Feu jusqu'au Cap Horn. Cette escalade dramatique fut évitée de justesse par la médiation du pape Jean-Paul II, qui parvint à retenir les belligérants.
Tandis que l'Argentine reportait sa folie belliqueuse sur les
Malouines et que le Chili filait un coup de main en douce à l'armée de Sa Gracieuse Majesté britannique (1982), les deux pays, chapeautés par le Vatican, parvinrent à un accord au sujet du Canal Beagle et de la Terre de Feu : le Traité de Paiz et d'Amitié, signé en 1984. Celui-ci maintenait la frontière sur le Canal Beagle, répartissant ses nombreuses îles entre les deux pays rivaux, et stipulant les modalités de navigation pour leurs navires respectifs ainsi que pour les navires étrangers.
Il en est résulté des complications administratives plus redoutables que les écueils pour les bateaux désireux d'emprunter ces eaux. Notamment des changements ennuyeux de práctico (pilote expérimenté détaché par l'un des deux pays pour prendre les commandes de tout navire entrant dans le canal). Au final, seuls les navires à destination d'Ushuaïa (côté argentin) et Puerto Williams (côté chilien) se risquent sur le Canal Beagle, dont principalement des bateaux de croisière. Le gros du trafic maritime et des escadres aéronavales continue de privilégier le Passage de Drake ou, plus rarement, le Détroit de Magellan. Sans oublier le Canal de Panamá !
Comment y aller ?
Pour apprécier le Canal Beagle, la ville d'Ushuaïa offre un observatoire des plus commodes. Depuis la promenade côtière (costanera) ou depuis les hauteurs (avenue Magallanes), on jouit d'une vue appréciable sur la Bahía de Ushuaia et le canal. En remontant la costanera vers l'est, vous atteindrez facilement Punta Escarpados par une piste de quelques kilomètres – c'est un coin champêtre pris d'assaut le week-end par les Ushuaienses.
En faisant preuve d'un peu plus de bonne volonté, on pourra se rendre à la
Réserve du Glacier Martial qui surplombe la ville et permet de prendre de la hauteur sur le canal. Les plus courageux pousseront carrément jusqu'au
Parc National Tierra del Fuego (12km) et effectueront l'ascension du Cerro Guanaco pour apprécier une vue véritablement panoramique qui, par temps clair, porte jusqu'au Cap Horn.
Pour se défaire de la présence urbaine d'Ushuaïa, et approcher les rives du Canal Beagle dans des parages plus bucoliques, une solution : prenez la Nationale 3 (
Panamericana) direction Río Grande, sur une trentaine de kilomètres, puis quittez-la sur la droite, en empruntant la piste “J” qui mène à l'Estancia Haberton ; au bout de 25km vous atteindrez la rive du Canal Beagle, que vous pourrez ensuite longer à l'ouest (25km jusqu'à Punta Remolino) comme à l'est (60km jusqu'à Punta Moat, en passant par l'Estancia Haberton). Cette piste côtière n'est pas trop mal entretenue, et pour cause : elle traverse une succession d'
estancias, dont certaines ont entrepris une lotisation en règle pour y construire de somptueuses datchas – si cela vous tente, consultez
www.estanciamoat.com... Cela ne vous empêchera pas de profiter de ces rivages boisés et ventés.
Où dormir ?
Une belle occasion de vous loger à proximité du Canal Beagle (camping gratuit ou hébergement en dur) est proposée par la fameuse
Estancia Haberton. Reportez-vous à la fiche du
Musée Acatushún, sis dans l'enceinte de l'estancia.
Contacts, horaires, informations diverses
Bien sûr, le Canal Beagle a d'autres cordes à son arc que ses mérites historiques et son potentiel panoramique. C'est aussi un écosystème passionnant qui invite à de belles virées nautiques, à la découverte de ses colonies de manchots (espèces “de Magellan” et “de Vincha” principalement) et de tout un tas d'autres oiseaux marins moins patauds.
Plusieurs agences proposent des circuits de quelques heures à une journée, sur le Canal. Certaines partent d'Ushuaïa et écument le secteur des îles Bridges,
de los Lobos,
de los Pájaros – c'est le cas par exemple de Patagonia Adventure Explorer (
www.patagoniaadvent.com.ar). D'autres s'aventurent plus loin de la Baie d'Ushuaïa, autour des îles Gable et Martillo – ainsi l'agence Piratour (
www.piratour.com.ar) ou l'Estancia Haberton susmentionnée (
www.estanciaharberton.com).
Les fiches thématiques sans ancrage local particulier ne sont pas épinglées sur la carte.