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Quelques précisions
La figure de Ceferino Namuncurá a acquis une importance toute particulière en Argentine depuis quelques décennies. Son histoire se situe en effet à la croisée de deux forces contradictoires qui, à des époques distinctes, pèsent sur l'édification et la cohésion de la nation argentine. D'un côté, Ceferino est l'archétype de l'intégration des peuples indigènes ; de l'autre, justement, son héritage est aujourd'hui à la fois récupéré et dénoncé par les forces centrifuges qui fissurent le fragile édifice national... Éclaircissements.
Heurs et malheurs de la nation Mapuche
Ceferino est le sixième enfant du célèbre cacique mapuche Namuncurá, dont le nom signifie Pied de Pierre et qui fut connu comme Manuel Namuncurá à la suite de son baptême, en 1854. Signalons d'emblée que les Mapuches n'appartenaient originellement à aucune des deux catégories dans lesquelles on peine aujourd'hui à vouloir les enfermer : ni Chiliens, ni Argentins, les Mapuches ressortissaient tout bonnement à une Patagonie qui n'était pas encore colonisée. Si Manuel est né du côté occidental des Andes, il a en revanche fait l'essentiel de sa carrière de cacique dans les plaines orientales de Patagonie, autrement dit en Argentine.
Tantôt allié, tantôt vassal récalcitrant du gouverneur de Buenos Aires Juan Manuel de Rosas, Manuel Namuncurá régna sur la Confédération indigène des Salinas Grandes qui contrôlait les plaines méridionales de la pampa. Mais avec l'éviction de Rosas et l'apparition d'une Nation argentine résolument moderniste et expansionniste, les troupes de Manuel Namuncurá furent bientôt défaites lors de la
Campagne du Désert et refoulées au-delà du Río Colorado. Les troupes de Namuncurá furent incorporées à l'armée nationale, et son peuple assigné dans une “réduction”, réserve indigène au périmètre limité, centrée sur Chimpay, campement de tentes au bord du Río Negro. C'est là que Ceferino vit le jour, en 1886, fils du cacique et d'une captive chilienne.
Vita Ceferini
Les peuples indigènes du Sud (Mapuches et Tehuelches de Patagonie ; Selknam et Yamanas de Terre de Feu ; etc.) étaient à l'époque au centre des préoccupations des
missionnaires salésiens, qui faisaient œuvre d’évangélisation. A l'invite de Manuel Namuncurá déjà converti, Ceferino fut baptisé par leurs soins, et il semble qu'à leur contact il acquit déjà une certaine ferveur religieuse. Plus tard, son père, entretemps bombardé colonel de l'armée argentine, obtint du gouvernement que son rejeton soit placé dans une école de la marine nationale. Mais celui-ci n'ayant guère le goût de la chose militaire, il obtint rapidement d'interrompre la carrière des armes et intégra en 1898 le Collège des Salésiens à Buenos Aires (aujourd'hui Casa Pio IX). En parallèle à ses études, il reçut la communion et la confirmation ; ses supérieurs déjà pressentaient une brillante carrière sacerdotale.
Malheureusement, Ceferino donna dès 1902 les premiers signes de la tuberculose... Dans un premier temps, on le transféra à Viedma ; le climat y était plus salutaire qu'à Buenos Aires, et Ceferino put poursuivre ses études au Collège Saint François de Sales où il devint aspirant salésien. Mais sa santé ne s'améliorait guère... Comme cependant il montrait de très grandes qualités intellectuelles et sacerdotales, on fit en sorte qu'il parte pour l'Italie, en 1904. Quel voyage, pour le jeune Mapuche !
Il poursuivit donc ses études à Turin, puis à Rome, où il lui fut même permis de rencontrer le pape Pie X, en septembre 1904, à qui il offrit un
quillango, manteau traditionnel mapuche taillé dans une peau de
guanaco.
Cependant, son état de santé s'aggravait. Et malgré les soins reçus du médecin en chef de la papauté, Ceferino Namuncurá décéda de la tuberculose, le 11 mai 1905, à l'hôpital Saint Jean de Dieu, à Rome.
Postérité canonique et polémique
Il fut enterré dans un cimetière de Rome, avant que ses cendres ne soient réclamées par l'Argentine et transférées en 1924 à Fortín Mercedes, une localité située près de la ville de Pedro Luro, dans le sud de la province de Buenos Aires.
Conscients de la portée symbolique indéniable que représentait la carrière de Ceferino, si brève fut-elle, les Salésiens n'eurent de cesse d'obtenir la consécration officielle de leur petit protégé indigène auprès des autorités catholiques. En 1972, Ceferino fut ainsi élevé au rang de vénérable par le pape Paul VI. Puis, à la suite d'un miracle survenu en 2000 (une jeune dévote cordobaise de Ceferino ayant mis au monde malgré le cancer de l'utérus dont elle souffrait), Ceferino fut béatifié par Benoît XVI en 2007. Depuis lors, une apparition du bienheureux dans un frêne santafesino en 2008 semble être un premier pas vers une possible canonisation... Affaire à suivre, donc. C'est d'ores-et-déjà une belle aubaine pour l'Église argentine, notamment en Patagonie où les sociétés évangélistes ont le vent en poupe...
Mais l'historie exemplaire du Bienheureux Ceferino Namuncurá déjà se fissure... Celui que l'on nomme volontiers le Chantre de la Patagonie fait figure, on l'aura compris, du parfait exemple de l'intégration culturelle, à la fois nationale (son père ayant accepté la “suzeraineté” de Buenos Aires, lui-même ayant intégré les institutions argentines) et religieuse (sa carrière chez les Salésiens et sa consécration papale). Pour bien signifier cette heureuse symbiose, les autorités politiques et religieuses répètent à l'envi que Ceferino est le premier Argentin a avoir atteint ce niveau dans le martyrologe catholique, et les statuettes du jeune salésien se multiplient dans les travées des églises du pays. Encore faudrait-il être bien certain que le petit Ceferino ait été tout à fait « Argentin » !
Nonobstant sa mère chilienne, nombreuses sont les voix qui s'élèvent aujourd'hui en Patagonie pour rappeler que Ceferino était avant tout un Petit Prince... mapuche, et très certainement conscient de ses origines. Point d'orgue d'une décennie de subversion identitaire, les Mapuches ont carrément obtenu en août 2009 de récupérer les cendres de leur “Aiglon”, qui furent transférées dans un recoin de la steppe de Neuquén, non loin de Junín de los Andes. Et non contents d'avoir obtenu cette autorisation éminemment politique, ses héritiers ont procédé à une nouvelle cérémonie, cette fois-ci sous le rite de la religion mapuche ! Non seulement “El Principito” réintégrait les terres controversées de son peuple, mais il quittait carrément le giron officiel du catholicisme, troquant la nef ecclésiale pour un petit mausolée de très belle architecture – mais fort avare en symboles chrétiens...
A la croisée des chemins...
Alors que les autorités ecclésiastiques bichonnent sa mémoire, pour concurrencer les peu recommandables Gauchito, Difuntita, San La Muerte et autres démiurges populaires en vogue, le peuple Mapuche en revendique pareillement l'héritage, mais un héritage fortement identitaire, qui pourrait bien entrer en conflit prochainement avec l'Église Catholique, instigatrice et collaboratrice de tout temps d'une acculturation aux multiples facettes (pas toutes aussi pacifiques que celle des Salésiens)... Bon élève d'une assimilation passéiste, dans une Nation désormais en danger de désintégration, le Petit Prince de Patagonie, toujours plus populaire, a l'avenir devant lui.
Le Bienheureux Ceferino Namuncurá est fêté le 26 août, date anniversaire de sa naissance.
Comment y aller ?
On trouvera de petits autels dédiés à Ceferino, voire de vraies oratoires taillés dans la roche, en parcourant les routes de Patagonie, principalement. Dans le reste du pays, il ne dispute guère les bas-côtés au Gauchito ni à la Difuntita, mais, en Bienheureux officiel de l'Église, il intègre plutôt les nefs consacrées, sous la forme d'une statuette, dans une chapelle ou généralement adossé à un pilier de la nef (comme c'est le cas à la
Cathédrale de Córdoba).
Par ailleurs, deux sanctuaires attirent tout particulièrement les foules de ses dévots. Le principal est celui de Chimpay, où il est né. Ce village se trouve sur le Río Negro, dans la province homonyme, sur la Nationale 22, à 200km à l'est de la ville de Neuquén, soit à 50km à l'ouest de Choele Choel (et 380km à l'ouest de Viedma, la capitale provinciale). Le sanctuaire est un peu en-dehors du village, au sud, sur la rive du grand fleuve patagonique. C'est à ce sanctuaire que se réfère notre carte ci-contre.
L'autre lieu de pèlerinage se situe sur la tombe de Ceferino. Jusqu'en l'an 2009, comme nous l'avons narré ci-dessus, elle se trouvait dans le sanctuaire de María Auxiliadora, à Fortín Mercedes, près de la ville de Pedro Luro, à 150km au sud de Bahía Blanca, dans le sud de la province de Buenos Aires, sur la Nationale 3 (Panamericana).
Mais suite au transfert de ses cendres en territoire mapuche ancestral, la tombe se trouve désormais dans un très élégant mausolée en bois, perdu au milieu de la steppe, non loin de Junín de los Andes (Neuquén). Pour vous y rendre, suivez la
Ruta 40 au nord de Junín. Après une cinquantaine de kilomètres, vous passerez le hameau de
San Ignacio ; c'est peu après, que la piste menant au mausolée part à gauche. Ce doit être indiqué. Il y a bien une dizaine de kilomètres de piste, si l'on se fie à la carte satellite. Vous pouvez vous référer à
ce post sur Panoramio.
Autant l'ancien tombeau de Fortín Mercedes était un lieu de pèlerinage religieux (catholique) assez ordinaire, autant le nouveau mausolée s'apparente à un haut-lieu de la “résistance indigéniste” fortement politisé. Ne commettez pas d'impair...
Les fiches thématiques sans ancrage local particulier ne sont pas épinglées sur la carte.