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Drapeau – Salta
Salta

la Linda” (la Belle), un surnom qui en dit long sur l'éclat de cette province irisée qui arc-boute entre les Andes et le Chaco une palette de couleurs prodigieuse : vert-jungle, bleu-lagune, blanc-sel, jaune-soufre, orange-agrumes, rose-adobe — et que dire du rouge de l'infernal “Desierto del Diablo” ?

Région : NoroesteArgentine – région Noroeste

Population : 1079422 hab. – Superficie : 155488 km²

Capitale (population) : Salta (469192 hab.)

Climat : trois régions bien distinctes : la partie occidentale andine, aux hivers très rigoureux et neigeux à éviter ; la partie centrale, celle des quebradas et des valles, aux microclimats méditerranéens (attention cependant aux brusques orages estivaux et aux oueds qui se réveillent) ; la partie orientale, yungas et chaco, est subtropicale, aux étés torrides et torrentiels à proscrire.

Ce que nous avons visité

Trek & Cie.

Pantipampa (Iruya) : ce recoin de la Cordillère Orientale est une explosion de couleurs jetées sans ordre ni modération. Bizarrement épargné, le plateau crevassé qui domine Iruya a quelque chose d'inquiétant... Le sentier qui en redescend s'apparente dangereusement à une piste de bobsleigh – ou à une vision dantesque des portes de l'Érèbe...

Archéologie

Qhapaq Ñan (Camino Inca) : cette autoroute de l'empire Inca innervait tout le massif andin au départ du Cuzco, au Pérou. L'actuelle Bolivie conserve des vestiges fort bien conservés ; le nord-ouest argentin, plus dégradé, dessert cependant plusieurs citadelles spectaculaires.

Cuestas

Cuesta del Obispo : que la Côte de l’Évêque franchisse le Massif du Cadenas (alias Sierra del Candado), cela a de quoi interloquer... Nul ne sait trop quelle salace histoire de mœurs se cache derrière cette intrigante toponymie, mais une chose est sûre : cette route panoramique est le meilleur moyen de forcer la ceinture de chasteté des Andes.

H2O

Salar de Pocitos : les sierras qui l'entourent ont de plus somptueuses rivales dans la Cordillère, et le village éponyme ne rivalise en laideur avec aucune autre localité de la Puna ; malgré cela, ce salar aux tons rougeâtres n'est pas dénué de charmes, et puis c'est un passage obligé sur la route de Tolar Grande – alors ne lui refusons pas quelques clichés.

Salar del Diablo : comme pour mieux nous prendre au piège, le Malin a recouvert sa couche écarlate d'un édredon qui se voudrait blanc comme neige ; mais faute de plumes, le rembourrage est de sel – et les auréoles jaunâtres ne sont pas tombées de la tête d'un archange... Il faut être vigogne pour s'y glisser sans dégoût.

Salar de Arizaro : convoité par de grandes langues volcaniques qui en pourlèchent avidement la surface, ce miroir magique renvoie des reflets changeants, tantôt opaques, tantôt aqueux, dont les nuances virent du rose au bleu, du blanc au noir – miroir, mon beau miroir... En définitive c'est toujours lui le plus beau !

Temples

Cathédrale de Salta : les bâtisseurs de cathédrales du siècle avant-dernier chérissaient le badigeon rose – en témoignent bon nombre de façades métropolitaines du pays. Chef-d'œuvre du genre, celle de Salta repousse les limites du style Bonbon jusqu'à la crise de foi(e). Vous reprendrez bien un peu de charlotte aux fraises ?

Mines

La Julia – La Casualidad : juchée à plus de 5200 mètres d'altitude, comme en équilibre sur la croupe de la Cordillère, l'ultime station du téléphérique a laissé filer la pelote d'acier – les bennes gisent ici et là dans le désert d'un champ de pierre ponce. Le gisement de soufre est resté en plan ; à l'horizon le Volcan Azufre fulmine de rage. Gare au soroche...

Parcours

Train des Nuages : j'en vois déjà qui protestent : « pas question de laisser mon auto pour un tortillard ! » – qu'à cela ne tienne : quand bien même il peut-être amusant de passer 17 heures dans un wagon à franchir des viaducs bancals et des zigzags alambiqués, sachez que vous n'atteindrez les limbes du terminus qu'en 4x4, par une piste... infernale.

Réserves

Abra del Acay : à près de 5000 mètres d'altitude, l'écosystème est plutôt chiche. Mais ce qui fait toute la beauté de cette route panoramique, ce sont les couleurs somptueuses des Nevados del Acay, qui vous tournent la tête. Attention toutefois à ne pas rater l'un des redoutables lacets – le précipice n'est pas moins étourdissant...

Angastaco (Quebrada de las Flechas) : comme un ouvrage défensif protégeant l'accès sud du Valle Calchaquí, cette forêt de flèches colossales hérissées vers le ciel donne du fil à retordre à la Ruta 40 pour s'y faufiler ! A-t-on jamais songé qu'il puisse s'agir d'un cimetière de stégosaures ?

Quebrada de las Conchas : reliant les Vallées de Lerma et Calchaquíes, cet ample canyon possède des teintes rougeâtres presque violacées qui ont inspiré une toponymie avide de sensationnel : la “Gorge du Diable” est une étape obligée, qui ravira les amateurs de crapahutage.

Los Andes : englobant près d'un dixième de la vaste province de Salta, cet échantillon de Puna qui s'étend de la Cordillère Occidentale à la Cordillère Orientale est d'une richesse paysagère incroyable, une source inépuisable d'émerveillement, le summum de la magnificence des Andes – une réserve qui n'a pas usurpé son nom !

Baritú : partie septentrionale des Yungas argentines (avant qu'elles ne se poursuivent en Bolivie), ce parc national est l'endroit où elles atteignent leur proportion et leur densité maximales : rescapée de l'exploitation forestière, cette jungle d'altitude héberge en son sein le magnifique Helecho Gigante.

Los Cardones : cet échantillon exceptionnel de l'écosystème aride de la Pré-Puna, qui jouit d'une vue grandiose sur les cimes enneigées qui dominent la Cordillère Orientale, porte le curieux nom de Vallée du Tintín – assurément l'endroit “ad hoc” pour découvrir l'espèce de cactus la plus emblématique du Noroeste, le cardón grande.

Cuevas de Acsibi : ce canyon escarpé est un pur joyau de géomorphologie, un écrin rubescent où l'érosion a donné libre cours à la fantaisie la plus délurée : billes et boules, rainures, drapés ou lobes, piédestaux miniatures et bilboquet gigantesque – et que dire de l'hôte des cavernes sanglantes ? Un univers infernal qui donne froid dans le dos...

El Rey

Las Yungasaperçu

Thermes

Cayotal (Lipeo) : au beau milieu des étouffantes yungas subtropicales, ces quelques baignoires au carrelage vétuste sont le rendez-vous de nombreux Boliviens venus faire leurs ablutions en voisins. Les relents de soufre ne doivent pas vous rebuter, même si la trempette est moins rafraîchissante qu'authentique...

Vallées

Valles Calchaquíes : attirés comme des mouches par un tourisme vinicole en plein essor, Franchutes et Yanquis grouillent littéralement sur cette portion déjà bien saturée de la Ruta 40, qui serpente de merveilles géologiques en prodiges d'érosion. Pris dans la tourmente, les derniers des Diaguitas tâchent de tirer profit de cette nouvelle invasion...

Valle de los Sueños : à en juger par les tonalités démoniaques qui badigeonnent à perte de vue cette vallée aux reliefs dantesques, malicieusement affublée d'une toponymie qui fait la part belle au Diable, on aurait tout lieu de penser que les “rêves” qui s'y déroulent sont d'authentiques cauchemars... Bienvenue en Enfer.

Valle de Lerma : végétation luxuriante, mais pas étouffante ; microclimat ensoleillé aux températures câlines ; les cimes de la Cordillère Orientale comme éternel sujet d'extase, les rivières et lacs des Sierras Subandines pour se prélasser – puis on goûte le frais à l'ombre des arcades anciennes. En somme, un vrai petit coin de paradis !

Villes

Tolar Grande : en dépit des apparences, ce hameau aux masures vétustes, pelotonnées autour d'une place centrale la plupart du temps déserte, et doté d'une gare qui n'a plus que des wagons rouillés à trier, n'est pas un village fantôme – la municipalité se décarcasse pour promouvoir les beautés incomparables de ce coin de Puna.

Iruya : la Cordillère Orientale est sans conteste le conservatoire des plus beaux villages d'Argentine, tant par leur architecture et leur cadre que par leurs mœurs, qui annoncent la Bolivie voisine. Iruya est le “moins malaisément” accessible, et l'un des plus animés. A 2720 mètres d'altitude, il offre un panel de randonnées sublimes. La perle des Andes ?

Salta : la fière cité de Güemes mérite définitivement son précieux épithète de “La Linda”, La Belle, tant les frondaisons de sa place centrale, la splendeur de ses temples et de ses hôtels, l'enchantement de ses mœurs métissées, son climat cajoleur et les paysages enjôleurs alentours, la distinguent entre toutes les capitales provinciales.

Cachi : un des rares villages à avoir conservé intact son cachet colonial, avec ses ruelles pavées, ses trottoirs surélevés, ses maisons blanchies à la chaux dont seules les ouvertures autorisent l'ornement d'un fronton ou d'une grille ouvragée – un petit bijou, dont l'enchantement tient également au microclimat délicieux qui y règne.

Géographie et thématiques culturelles

Écosystèmes

Chaco Serrano : avec les premiers reliefs qui surgissent sur ses confins occidentaux, le Gran Chaco profite de la soudaine abondance (toute relative) d'eau pour développer une végétation moins épineuse, dont se détachent les grandes silhouettes ébouriffées des carandays – il devient même agréable de s'y promener !

Puna : retranchée derrière d'abruptes cordillères, cette inexpugnable forteresse bardée de donjons volcaniques héberge une faune rare mais précieuse, dans un environnement désertique aux coloris extraordinaires. Envahisseur, prends garde : son atmosphère éthérée te coupera le souffle plus sûrement qu'une hallebarde !

Hautes Andes : à des altitudes comprises entre deux et sept mille mètres, la végétation se cantonne généralement à quelques coironales mouchetant de leurs jaunes léonins les sols minéraux ou volcaniques, quand la neige ne les recouvre pas. Peu de bestioles se risquent dans ces parages – elles se savent dans le collimateur des condors.

Monte : dans le lexique populaire, “adentrarse en el monte”, plus encore que “prendre le maquis”, c'est se réfugier dans une région qui, sans posséder une végétation dense ni même élevée, est cependant suffisamment vaste et aride pour dissuader toute tentative de poursuite. Mieux vaut être un habile chasseur de viscaches.

Yungas : après avoir traversé l'immensité du chaco sans verser la moindre goutte, les cumulo-nimbus se télescopent sur les premiers reliefs orientaux des Andes, et déversent sur la pente inexpugnable de quoi faire croître une jungle touffue, refuge de nombreuses espèces menacées – un cordon de barbelés subtropicaux qui sanctuarise le splendide Noroeste.

Prépuna : cette mince frange de cordillère, sciée tout du long par une succession de quebradas, s'immisce entre les Yungas et la Puna pour assurer la suture entre la luxuriance de l'une et l'aridité de l'autre. Totems tutélaires de ces terroirs transitoires, d'innombrables cardones montent la garde en quadrillant rigoureusement les vallées.

Chaco Seco : si l'épithète “impénétrable” lui colle à la peau, ce n'est pas tant en raison des rudes conditions climatiques (avec 45°C en été et peu d'eau, le terme approprié serait plutôt “invivable”) que de la densité des plantes xérophiles qui ont vite fait de coloniser toute ébauche de piste. Il faut être myrmécophage ou Mennonite pour y subsister !

Botanique

Rica-rica : on ne lui prête guère attention, subjugué que l'on est par le profil effrayant d'un volcan ou par le miroir évanescent d'un salar – mais regardez-y de plus prêt : pas une sierra, pas une vallée qui ne soient défigurées par ces tavelures jaunes, petits pustules rêches qui, cependant, sont agréablement parfumés.

Tola : les agiles suris aiment à disputer de trépidantes parties de cache-cache dans les tolares, ces étendues d'arbustes clairsemées qui viennent agrémenter l'aride Puna d'un peu d'âpre verdure, à proximité de lunatiques cours d'eau ; pas de quoi nourrir son homme, ni bâtir la moindre bicoque – tout juste bon à flamber.

Lapachos (tajy) : si les arbres poussaient des cris, assurément ceux du genre Handroanthus seraient assourdissants – agglutinées en grappes dodues, leurs fleurs sont de véritables brass-bands de trompettes aux couleurs éclatantes, qui au printemps émaillent la selva d'éclats dorés et parent les villes du bassin rioplatense de milliers de pompons roses.

Cardón : une légende précolombienne voit en ces grands cactus à la silhouette vaguement anthropomorphe les épiphanies d'un couple d'amants indigènes pourchassés par un cacique irascible, que la Pachamama aurait ainsi transformés en totem épineux pour les soustraire à leur poursuivant. Quant à la version scientifique des faits, elle n'est pas moins belle...

Gastronomie

Humitas & Tamales : casse-dalles typiques du Noroeste, à base de maïs, ces variantes salées de l'œuf Kinder réservent sans doute moins de surprise une fois dépiautées de leur emballage en chala (feuille de maïs), pour peu qu'on sache les différencier à la forme de leur ficelage – il y a là un potentiel marketing à développer, c'est certain...

Industrie

Tabac : ce délicat présent de l'Amérique aux pilleurs venus d'Europe (qui ne surent que le convertir en cadeau-empoisonné) prospère dissymétriquement sous le Tropique du Capricorne : latifundistes capitalistes prospèrant à l'ouest, minifundistes coopératifs s'échinant à l'est. Qui résistera le mieux au rouleau-compresseur du soja ?

Ingenios : une nappe perpétuelle de nuages grisâtres stagne sur les confins occidentaux du Chaco, accumulée au pied des premières sierras – nul phénomène météorologique, mais la fumée crachée sans relâche par les “ingenios”, raffineries sucrières émergeant des champs de canne à sucre qui envahissent les sols fertiles gagnés sur la frange des Yungas.

Hydrocarbures : pompant sans relâche ce qu'il reste du précieux liquide dans les entrailles de la Terre, des régiments de derricks au coude à coude colonisent la Patagonie et se lancent à la conquête de territoires périphériques jadis épargnés, assiégeant avidement les enquiquinantes réserves protégées. Safari parmi ces échassiers d'une nouvelle ère.

Vini-viticulture : tôt présente dans les bagages des Espagnols, la vigne colonise le piémont andin et génère un lucratif commerce à l'échelle du Vice-royaume. Laminé par les guerres d'Indépendance et l'expansion des productions européennes, le secteur amorce un boom remarqué depuis quelques décennies et les bodegas font leurs choux gras du tourisme !

Ornithologie

Chiricote & Ipacaá : du barouf cacophonique qu'émet une bande de chiricotes survoltés, mêlé des couinements lugubres de leurs cousins les ipacaá, émane une polyrythmie troublante, étrangement décalée et pourtant synchrone, techno minimaliste lancinante ou partition futuriste qu'un Ligeti n'eut pas reniée. Hypnotique !

Parcours

Ruta 40 : elle vous en fera voir de toutes les couleurs, au sens figuré comme au sens propre – depuis les tons fauves du Noroeste jusqu'aux nuances de bleu et de vert des lacs et forêts de Patagonie, c'est toute une palette de paysages grandioses qui défilent sur plus de cinq mille kilomètres, semés de multiples embuches.

Panamericana : de raccordements en prolongements, on ne sait plus très bien au final quel est le tracé officiel de cet axe composite qui irrigue toutes les Amériques – mais ce qui est sûr, c'est qu'après une grandiose traversée des Andes l'Argentine en constitue le laborieux épilogue, tandis que la Terre de Feu s'offre légitimement comme bouquet final.

Dévotions

La Pachamama : ces dernières décennies, elle effectue un retour triomphal sur la scène de la Puna, le grand théâtre du revival indigène en mal de reconnaissance nationale – ses ennemis n'ont qu'à bien se tenir : volontiers bonasse quand on lui offre un verre de vin ou un sachet de kuka, elle peut devenir mauvaise si la coca est cola...

San La Muerte : avec son look caricatural, tout droit sorti d'un pathétique film d'épouvante, cette Grande Faucheuse des bas-côtés incite davantage à la rigolade qu'à la dévotion. Pourtant, il serait fâcheux de s'y méprendre – car ce Santito-ci n'a rien d'un saint, et il vous fera passer l'envie de ricaner d'un coup de mauvais sort !

Massifs

Andes boréales, Cordillère Occidentale : cette portion plutôt hermétique de la frontière entre Chili et Argentine a des airs de Ligne Maginot, avec sa batterie de strato-volcans campés sur le glacis de la Puna comme des bunkers, leurs bouches braquées vers le ciel en une menace latente d'ouvrir le feu dévastateur de leurs munitions magmatiques.

Andes boréales, Cordillère Orientale : curieusement, cet imposant massif ne frappe pas tant par ses lignes de crête, qui pourtant culminent à plus de 5.000 mètres, que par les gorges qui le lacèrent : Valles Calchaquíes ou de Yocavil, Quebradas de Humahuaca, de las Conchas, del Toro, un véritable labyrinthe aux formes et couleurs pyrotechniques.

Andes boréales, Sierras Subandines : ce petit détachement de la Cordillère fermait la marche de la surrection andine, mais une attaque surprise et musclée de l'érosion, notamment de sa division fluviale, l'a proprement rossé, de sorte qu'il n'en reste que des éléments éparses, cabossés – certains conservent fière allure.

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